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Sénat coutumier : la montagne a accouché d’une souris

Sénat coutumier : la montagne a accouché d’une souris

Instance représentative des peuples autochtones censée remplacer le Grand conseil coutumier (GCC) au sein de la future collectivité autonome de Guyane, le Sénat coutumier était au coeur de discussions ce matin au siège de la Collectivité territoriale de Guyane. Au terme de cinq heures d’échanges, les chefs amérindiens et bushinengés présents n’ont pas validé la mouture actuelle du document d’orientations sur l’évolution statutaire qui ne fait pas évoluer l’organe représentatif en organe décisionnaire et ils ont demandé un délai supplémentaire pour pouvoir se positionner. 

La matinée s’annonçait essentielle pour avancer sur le projet d’évolution statuaire de la Guyane. À l’ordre du jour de la réunion organisée ce matin à l’Hôtel territorial de Suzini : le Sénat coutumier, l’organe représentatif des peuples autochtones qui remplacera au sein de la future collectivité autonome de Guyane l’actuel Grand conseil coutumier. L’un des deux points du « projet Guyane », avec le découpage des districts, encore en jachère côté guyanais et ayant contraint le président de la CTG Gabriel Serville à reporter le congrès des élus de fin mars au 15 avril.

Pour avancer sur cette question, alors que le document d’orientations, synthèse des travaux du Comité de pilotage (Copil), sera présenté cet après-midi aux membres du Copil pour validation, les chef(fe)s coutumiers et bushinengés avaient été convié(e)s ce samedi au siège de la Collectivité territoriale de Guyane.

Mais les cinq heures de réunion, émaillées d’interventions multiples sur la CEOG, ont accouché d’une souris, les collèges amérindiens et bushinengés demandant un délai supplémentaire pour se pencher sur cette question du Sénat coutumier que l’exécutif de la CTG espérait boucler ce jour.

« Les chefs, qui ne sont pas tous présents, n’ont pas reçu de synthèses du Copil en amont. Ils sont présents mais ne savent pas sur quoi on travaille » dénonce Claudette Labonté, membre du bureau de la Copag et de la fédération Parikweneh. « Ce n’est pas une co-construction sur le futur Sénat mais une mise devant le fait accompli. » Voilà pour la forme. Mais sur le fond aussi des désaccords sont apparus.

Car dans l’avant-projet de document d’orientations, qui sera validé ou non par le Copil ce soir et débattu au prochain congrès des élus du 15 avril, le Sénat coutumier est présenté comme un organe consultatif et non pas décisionnaire. Un statut qui n’évoluerait pas vis-à-vis de l’actuel Grand conseil coutumier. Pourtant, le document d’orientations précise l’importance « de la prise en compte dans la gouvernance locale et la gestion publique » des populations autochtones « présentes dans 45% du territoire« …

« Le Sénat coutumier doit être décisionnaire »

D’après le texte, ce Sénat coutumier serait composé de membres désignés selon les usages reconnus par la coutume et exercerait les fonctions suivantes : « il délibère sur les projets ou propositions de lois du pays touchant aux affaires coutumières (régime des terres coutumières, modalités d’élection au Sénat coutumier) et sur les projets ou propositions de délibérations intéressant l’identité des populations amérindiennes et bushinenge.« 

Ce Sénat, inspiré du modèle calédonien qui en possède un depuis les accords de Nouméa de 1998, disposerait de compétences consultatives obligatoires pour tout ce qui touche aux « affaires coutumières« , un terme pour l’instant assez flou, et « facultatives dans certaines matières« .

En cas de désaccord avec l’Assemblée et le gouvernement, respectivement à l’initiative des projets et des propositions de lois péyi, un système de navette inspiré du modèle parlementaire national a été prévu. Une relecture pourra être faite par le Sénat coutumier mais en dernier lieu, c’est l’assemblée délibérante, élue au suffrage universel, qui aurait le dernier mot.

Cette organisation institutionnelle a déplu aux chefs coutumiers amérindiens qui, après s’être réunis une trentaine de minutes, ont fait savoir au président de la CTG leur désaccord. « Le Sénat coutumier doit être décisionnaire et pas consultatif. Le transfert du foncier n’est pas satisfaisant, le droit coutumier doit être reconnu dans les lois péyi » a égrainé Bénédicte Fjéké, yopoto du village Terre-Rouge à Saint-Laurent-du-Maroni.

« Cette organisation du Sénat enlève le pouvoir politique de chaque village et enlève la notion même de peuple autochtone, pourtant reconnue par le droit international » note Ludovic Pierre, militant Kali’na. « La CTG fait exactement ce que fait l’Etat, c’est toujours le même rapport de domination. » « En Calédonie ce sont les autochtones qui ont demandé d’avoir un Sénat coutumier. Nous devons faire pareil en Guyane, c’est à nous, autochtones, d’être à l’origine de cette demande et après nous gèrerons ce Sénat ensemble » renchérit Claudette Labonté.

« Se positionner en une journée, ce n’est pas possible »

Côté bushinengé, le capitaine Bruno Apouyou a exprimé l’absence de consensus au sein de sa communauté sur le Sénat coutumier et il a promis de fournir une réponse à la CTG « avant » le congrès des élus du 15 avril.  « Nous avons besoin de consulter des juristes, de prendre le temps de la réflexion. Se positionner en une journée, ce n’est pas possible » nous a-t-il précisé.

D’après une source de la Collectivité territoriale, le Sénat serait consultatif mais le mode de scrutin de l’Assemblée, organisé par section, permettrait aux minorités autochtones d’être représentées comme il se doit au sein de cette future assemblée délibérante. « Ce que l’on veut c’est une société moins fracturée qu’elle ne l’est aujourd’hui, mais en même temps notre processus d’autonomie s’intègre dans la République, une et indivisible. » Dans ces conditions, le « statu quo est la bonne solution : que le coutumier reste dans le giron de l’Etat« .

Photo de Une : les chefs coutumiers amérindiens et bushinengés, réunis ce samedi à la CTG, devaient se prononcer sur le futur Sénat coutumier prévu dans le projet d’évolution statutaire de la Guyane © Guyaweb

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7 commentaires

  • Frog

    Et sinon, le roucou ça peut servir de vaseline ?

  • Morvandiau

    L’histoire se répète décidément de manière persistante.
    La création du Conseil Coutumier s’est faite sans consulter les intéressés, dans une belle posture de paternalisme colonial du sénateur Othily.
    Idem pour le Grand Conseil Coutumier, État comme élus locaux sont restés sourds aux demandes de pouvoir décisionnaire pour cette organisme.
    On aurait pu croire que les membres du copil du fumeux projet d’évolution institutionnelle, auraient rompu avec ce truandage colonial, mais non.
    Pire, on constate un plus vif mépris, dans le fond et dans la forme, envers ces populations, avec cette boiteuse et incompréhensible association amérindienne/bushinengué dans une unique institution, alors que ces peuples n’ont rien en commun, tant culturellement qu’historiquement.
    Noyer ainsi la notion d’autochtonie arrange bien les bidons des élus locaux et de l’État, les deux étant pétrifiés (pour des raisons différentes) à l’idée d’avoir à reconnaitre et à appliquer le droit international consacrés aux peuples autochtones.
    La Guyane que des mauvais démarcheurs hystériques veulent nous vendre pour l’avenir est donc encore et toujours une Guyane moisie avec les mêmes rapports de domination coloniale, de crypto-hiérarchisation raciale et d’invisibilisation des peuples autochtones et bushinengués.

  • Bello973

    En l’occurrence, vous « hystérisez » un chouilla il me semble. Malgré de sérieux progrès, votre acrimonie contre l’élu lokal finit toujours par vous rattraper… Plus prosaïquement donc, si les amérindiens exigeaient un sénat coutumier exclusivement amérindien, cela serait surtout perçu comme du repli communautaire et une forme de rejet explicite de l’autre entité, historiquement en marge des institutions locales sur le plan du droit coutumier… Or, Jusqu’à présent les autorités amérindiennes ne semblent pas avoir trop prêté le flanc à ce genre d’exclusivisme identitaire, qui en revanche semble tant vous assaillir. Et incidemment, cela poserait donc la question d’un deuxième sénat coutumier bushinengué… Bonjour la simplicité et la clarté institutionnelle. Pourtant, contrairement à ce que vous dites, les deux ont bien en commun une même problématique de droits et d’institutions différenciés (coutumes, chefs coutumiers, capitaines, usage collectif du foncier, etc) par rapport aux institutions régissant les autres citoyens. Le principe d’un seul sénat coutumier, outre qu’il favorise le rapprochement bénéfique de ces intérêts communs, fussent-ils par ailleurs culturellement spécifiques, c’est aussi la garantie du nombre et donc du poids politique. Le principe adopté dans l’actuel grand conseil semble plutôt fonctionner, à savoir deux collèges (amérindiens/bushinengué) et une présidence tournante entre les deux. Le vrai sujet, c’est donc celui du réel pouvoir politique alloué à ce sénat coutumier. En clair, une sorte de droit de véto externe sur certains sujets importants, vis-à-vis de l’assemblée législative locale (ce qui irait au-delà des prérogatives de notre sénat républicain qui lui n’a pas ce pouvoir, plutôt dévolu au conseil constitutionnel). En se référant à l’actualité, le sénat coutumier aurait ainsi la possibilité d’empêcher un projet tel que celui de la ceog.

    Par ailleurs, les bonnes règles faisant les bons amis… En plus de ce pouvoir de blocage vis-à-vis des décisions de l’assemblée législative, il conviendrait de mettre en place un mécanisme de veto interne assurant une entente indispensable des deux collèges amérindien et bushinengué, afin que l’un ne puisse s’imposer à l’autre dans la prise de décision (ex. nécessité d’un pourcentage de vote minimal et de quorum au sein de chaque collège, pour valider les décisions et propositions du sénat coutumier dans son ensemble).

    Bref, des demandes concrètes exprimées, plutôt que de la radicalité rhétorique ne rimant à rien. Parce qu’en attendant, ce qui est bien moisi c’est ce qui se passe à Prospérité. Toute invention institutionnelle susceptible de l’endiguer à l’avenir, mérite donc d’être fermement défendue et débattue, sans verser dans l’hystérie en effet. Les récentes prises de position de Castor (et son entente affichée avec Christophe Pierre lors du dernier congrès du mdes) sur le cas d’école de la ceog, la fragilité de la CTG et de son copil en quête de crédibilité et donc de cohésion locale, face à l’Etat… Espérons que les membres du conseil coutumier sauront en tirer profit pour imposer leur voix et leurs demandes… Encore faut-il le faire officiellement pour mettre clairement le débat sur la table des négociations, sans possibilités d’évitement de la part de la CTG, des parlementaires, et de l’Etat.

  • Morvandiau

    Bellod, renseignez vous un peu avant de tartiner. Cela fait longtemps que les nations Amérindiennes de Guyane demandent un sénat coutumier qui leur soit propre. A l’image du sénat coutumier Kanak de Calédonie où il ne viendrait à personne l’idée d’y ajouter des représentants caldoches !
    Le foncier spolié par la colonisation ne concerne que les peuples autochtones.
    Votre glissement négationniste de l’autochtonie en Guyane est du même acabit que ceux qui sont d’ailleurs actuellement participants au copil, pestaient en 2018 lors de la mise en place du Grand Conseil Coutumier en disant que les créoles ont également des coutumes et devraient donc siéger au même titre que les Bushinengués dans ce grand conseil.
    L’autochtonie est un gros caillou dans les chaussures de certains, dont vous visiblement, et il n’est donc pas surprenant que tout soit fait de manière pour dévoyer son sens et l’étouffer, comme vous venez de le faire.

  • Bello973

    « Cela fait longtemps que les nations Amérindiennes de Guyane demandent un sénat coutumier qui leur soit propre. »

    Renseignez-nous donc. La moindre source officielle de cette affirmation importante à nous communiquer? Un nom? Un écrit? Et c’est d’autant plus surprenant qu’un tel sénat n’est de fait envisageable que par le biais d’un changement de statut. Or on ne peut pas dire que les amérindiens soient, ou n’aient été, à fond sur le sujet. Et en l’occurrence, ce n’est effectivement pas un sénat de l’autochtonie qui est proposé, c’est un sénat coutumier réunissant des peuples ancrés historiquement sur le territoire guyanais, qui conservent un mode de vie coutumier en marge du mode de vie occidental (ce qui n’est je crois pas le cas des créoles ou des caldoches). Les bushinengués y auraient donc eux aussi leur place en principe, sans évidement prétendre pour autant à l’autochtonie. On dirait que vous, vous tenez absolument à les en exclure? Pour ma part, parmi ceux qui s’expriment le plus (Alexis, Félix Tiouka, Christophe Pierre…) je ne les ai jamais entendu tenir votre discours, consistant à insinuer qu’il existerait une sorte de légitimité moindre du droit coutumier des communautés bushinenguées, remettant en cause leur commune participation à l’actuel grand conseil coutumier, ou à un éventuel sénat coutumier tel qu’il est proposé. Pouvez-vous étayer votre affirmation? Ceci-dit, si vous avez raison, ce que vous révélez sera forcément exprimé dans les jours qui viennent, puisque les nations amérindiennes doivent officiellement se prononcer sur le projet de sénat coutumier, qui a été esquissé par la CTG et son copil.

  • Morvandiau

    Ah tiens, vous faites comme le copil, vous feignez de découvrir l’eau tiède une nouvelle fois
    ?
    Personne ne peut être surpris de la position autochtone aujourd’hui, qui est strictement la même depuis que l’ONU a voté (avec le vote favorable de la part de la France) la déclaration des droits des Peuples Autochtones.
    Ils revendiquent des droits humains qui leurs sont toujours refusés.
    La position des peuples autochtones de Guyane repose donc sur un droit international extrêmement bien défini et documenté.Seule la mauvaise foi peut expliquer l’attitude qu’on leur oppose, que ce soit au niveau local ou national.
    J’ai bien du mal à croire que vous Bellod, ou bien les membres du copil tout comme le président de la CTG méconnaissiez les revendications autochtones.
    Celle concernant un « sénat » autochtone, est je persiste, une revendication de longue date.
    Pas plus tard qu’en aout 2022, les organisations autochtones ont remis au préfet et à G. Serville une motion générale des peuples autochtones de Guyane, où figure entre autre une demande de réforme du grand conseil coutumier en un « Grand Conseil des Populations Autochtones de Guyane ».

  • Bello973

    Dommage que vous ne puissiez être plus crédible dans vos affirmations, en exprimant et produisant des choses fiables et concrètes… Dans le doute, il vaut donc mieux être un peu prudent en estimant que pour le moment et officiellement, les amérindiens ne réclament pas forcément (comme vous le faites ) de sénat coutumier exclusivement amérindien, sans les bushinengués. Car c’est bien votre certitude sur l’exclusion ou la séparation voulue de l’autre culture coutumière, qui interpelle en l’occurrence. Car encore une fois, si tel est le cas, étrange que cela ne soit pas dit officiellement.

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