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Trois militaires morts : le refus du préfet de rendre compte

Trois militaires morts : le refus du préfet de rendre compte

Sourd aux sollicitations des médias pendant près de 30 heures après le décès de trois militaires français mercredi, au cours d’une opération Harpie, le préfet de Guyane a finalement répondu par… une fin de non recevoir jeudi en soirée, via son service de communication.

Notablement en ces termes : «Le Préfet, qui s’est exprimé sur les réseaux sociaux (sic) ce matin, ne fera pas d’autres commentaires, ni ne donnera suite aux demandes d’interview. »

En matière de « réseaux sociaux » et en guise « d’informations », le préfet avait posté un message jeudi matin, au lendemain déjà du drame, sur le mur… Facebook de la préfecture pour expliquer simplement qu’il se rendait ce jeudi (en hélicoptère) sur les lieux des faits avec le général commandant des forces armées de Guyane.

Mais il n’a pas répondu et annonce donc qu’il ne répondra à aucune question que sont en droit de se poser les journalistes sur cette affaire, au nom de leur intérêt public pour les citoyens lecteurs.

Une position qui correspond de fait à un refus de rendre compte notamment du bilan et du déroulement précis des opérations Harpie dont le préfet est le présumé chef d’orchestre en Guyane.

Une posture inflexible et durable qui ne date pas de ce drame comme l’avait déjà dévoilé Guyaweb l’an dernier (voir notamment cet article) et qui consacre un recul du droit et du devoir d’informer.

Les faits sont là.

Le 27 juin 2012 dans l’après-midi, je m’en souviens : les médias locaux sont alertés par les… autorités locales que des faits très graves viennent de se dérouler à Dorlin, haut lieu de l’activité aurifère illicite (à l’époque depuis 20 ans) sur le territoire de Maripasoula et qu’un point presse d’explications va être donné en fin de journée.

Ce jour là, en cette fin de journée, toutes les plus hautes autorités étatiques concernées par l’opération Harpie font face aux journalistes à Cayenne.

Et l’on y apprend alors que ce matin du 27 juin 2012, peu avant 10h, l’EC-145 biturbine de la gendarmerie de Guyane s’approche de Dorlin : « au moment de son  approche,  l’hélicoptère  se  trouvait entre 15 et 20 m du sol dans  une zone encaissée. C’est là qu’il a  commencéàêtre pris à partie par  quelqu’un qui se trouvait peut-être  dans la forêt sur le côté (…) C’était  comme si un individu vidait son  chargeur »,  raconte donc le soir même du drame, le colonel Didier Laumont, commandant de la gendarmerie en Guyane.

Un gendarme est alors éraflé à la cuisse par une balle qui traverse la paroi de l’appareil.

Privé de l’un des deux moteurs qui a lâché, l’hélicoptère parvient à battre en retraite et à se poser à Maripasoula à 60 km de là. « Ils ont failli l’abattre »confiera encore le soir du drame le colonel Laumont.

Les autorités décident pourtant de reprendre l’opération malgré l’attaque de l’hélicoptère, le jour-même, dès le début de l’après-midi. «Ça nous  semblait être au départ le fait d’un  seul individu comme ça nous est  déjà arrivé, lorsqu’un individu isolé  ne veut pas perdre son quad, sa  pirogue… La suite s’est avérée différente»,confiera rétrospectivement, le colonel Laumont.

Deux Puma de l’armée déposent une trentaine d’hommes, vers 13h, le même jour, à 2km des lieux de l’attaque du matin.

Les hélicoptères repartent. Après quelques centaines de mètres de marche sur un sentier en forêt, la troupe est brusquement attaquée par des hommes équipés d’armes à feu qui se révèleront être des armes de guerre. Deux militaires perdront la vie, deux gendarmes sont gravement blessés, l’un à l’abdomen, l’autre au bras.

Suite à cette nouvelle attaque, aux terribles conséquences cette fois, les autorités décident de « se désengager» de Dorlin, confiera, pour sa part, le général Metz commandant des forces armées de l’époque.

L’enquête judiciaire révèlera par la suite une imprudence opérationnelle aux lourdes conséquences.

Ce jour-là, après avoir essuyé un feu nourri sur l’hélicoptère en approche de Dorlin, les forces de l’ordre décideront de revenir sur les lieux alors qu’il était déjà possible d’en déduire que la bande armée (de Manoelzinho) était en possession d’armes de guerre au regard d’un des premiers projectiles tirés, recueilli dans l’hélicoptère des forces de l’ordre au moment de l’attaque du matin.

Mercredi 17 juillet 2017, sept ans après : trois militaires trouvent la mort au cours d’une opération Harpie sur le secteur Saint-Jean du Petit Abounami, toujours dans le Parc Amazonien de Guyane, sur Papaïchton cette fois.

En début de soirée, Guyane 1ère a l’information relative aux trois décès. La préfecture refuse de confirmer les faits vers 19h et renvoie selon le média public vers les forces armées. Injoignables assure Guyane 1ère. Nous avons essayé en vain, en cette même soirée, de joindre les forces armées de Guyane.

La préfecture évidemment est au courant des trois décès mercredi mais ne fait aucun communiqué, n’organise aucun point presse le jour des faits pour informer les citoyens.

Autre temps, autres méthodes.

Depuis le drame, la préfecture n’a pas répondu à la moindre question journalistique.

Jusqu’à ce communiqué adressé par mail aux journalistes jeudi soir une trentaine d’heures après les faits qui consacre de manière lapidaire une fin de non recevoir.

Le communiqué indique en effet en ces termes : « Le bureau de la communication interministérielle revient vers vous, suite à vos nombreuses sollicitations dans le cadre du terrible drame qui a touché les forces armées, la Guyane et la nation toute entière. Le Préfet, qui s’est exprimé sur les réseaux sociaux ce matin, ne fera pas d’autres commentaires, ni ne donnera suite aux demandes d’interview. »

Réseaux sociaux ? Le préfet Patrice Faure s’est fendu, depuis les faits, d’un message sur le mur Facebook (!) de la préfecture de Guyane jeudi matin tôt dans lequel il annonce se rendre ce jeudi (en hélicoptère comprend-on) sur les lieux du drame en compagnie du général Looten, commandant des forces armées de Guyane.

Son communiqué du soir ajoute simplement en terme d’information que le général Valentini commandant de la gendarmerie de Guyane était du déplacement sur les lieux ainsi que «le procureur de la République» (en fait il s’agit, voir cet article, du procureur adjoint Jean-Claude Belot assurant par intérim la hiérarchie au parquet en l’absence du procureur Samuel Finielz).

En Guyane, plus qu’ailleurs, la relation procureur-préfet peut manquer de distance.

Fin 2018, à l’époque où le procureur de la République de Cayenne était Eric Vaillant, aujourd’hui procureur de Grenoble, un rapport commun préfet-procureur, jamais rendu public, a été remis à la ministre de la Justice Nicole Belloubet.

Réputés plus indépendants, les juges du siège n’ont pas été conviés à la co-rédaction de ce rapport.

Dans son communiqué de jeudi soir très pauvre en informations, le préfet y joue, par ailleurs, sur la corde sensible, en décrétant que «l’heure est au recueillement » 

Il y souligne la présence d’un «aumonier militaire» ce jeudi sur les lieux du drame.

Nous avions calé des rendez-vous. Tous les rendez-vous, toutes les interviews ont été (…) annulés

Plus tôt dans la journée de jeudi, notre consœur de Guyane la 1ère, Véronique Bedz, a déploré le « verrouillage » de l’information sorte d’entrave au travail journalistique, au cours du journal radio de 13 heures (écouter, via ce lien, l’édition du journal radio du 18 juillet à partir de 13min20 secondes)

« Nous avions calé des rendez-vous. Tous les rendez-vous, toutes les interviews ont été a posteriori annulés soit par (la hiérarchie) des services soit directement par la préfecture » y indique notamment notre consœur.

« Et c’est vraiment dommage (…) car nous cherchions simplement ce matin à savoir par exemple comment une intoxication était possible ?, ce qu’il peut techniquement se passer au fond des puits. Idem sur l’aspect géologique, quels sont les gaz présents dans nos sous-sols ?, quels sont leurs effets ? Ce n’est évidemment pas pourtant un secret d’Etat mais l’on nous empêche de donner ces informations ».

Et nos confrères de trouver des bouches brutalement cousues dès lors notamment au BRGM, à l’hôpital et même chez les pompiers selon une source au sein de Guyane 1ère.

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23 commentaires

  • Empoisonnement délibéré ? Galeries piégées ?

  • FF

    On ne sait pas. Nous disons que l’évitement des questions n’est pas tenable.

  • Pagainnom

    Je pense que leur silence tente (en vain) de masquer leur totale incompétence dans un pays qui vire l’autoritarisme… Attention au retour de bâton…

  • GZ

    Dégringolade.
    Du coup, ni CO ni CO2. Piège en bas trou par klando chimiste ou aléa gazeux d’un explosif décomposé par erreur de manipulation ou de stockage. Et puis yaka dire que c’est du complotisme..

    « l’or produit (légalement comme illégalement) est sous une chape de plomb préfectorale » ? Et c’est comme ça certains, à la majorité CTG, veulent convaincre les citoyens du bien-fondé de la relance de l’orpaillage légal, Montagne d’Or et autres ?
    (En fait, réellement Citoyens ?)

  • Desijose

    Tout simplement, encore le constat de la main mise de la macronie des mangeurs de homards sur la France d’en bas. Un préfet pense d’abord à sa carrière et à son avancement. Le p,tit tour en Outre-mer, c’est juste pour faire avancer les points de la retraite
    . Bizarre, là il n’y a que la ministre de l’armée pour s’exprimer, les vies de ces soldats ne valent sans doute pas celles de bobos qui peuvent à l’occasion faire reluire les paillettes.
    . Ecoeurée, dégoutée

  • GZ

    La mise en évidence d’une saturation CO demande une goutte de sang et qq instants.

  • FF

    Tu as du te tromper d’article

  • GZ

    ?
    A savoir au regard des « analyses en cours »..

  • GZ

    Oh, ci ou là, on tourne autour. Que ce n’est pas le CO.
    Je vois que le refus de communication a fini par être revendiqué face au journaliste aussi, auparavant réservé aux simples sans-dent. C’est parce que même la forme n’importe plus. Bientôt plus de journalisme d’investigation à ce rythme-là. Tu devras changer de métier, d’autant plus que la Métropole suit la Guyane fidèlement. Là, le gvt vient d’annoncer que le nombre des voitures brûlées ne sera plus communiqué, étant « sans intérêt pour le public ».
    Quand « on » te dit ce qui est dans ton intérêt… ça te rappelle qqchose ?

  • FF

    Il y a une tentative palpable de verrouillage en France (loi sur le secret des affaires ou entre autres ce que tu cites dans ton intervention : « on sait ce qu’il faut dire ou pas ») et a fortiori en Guyane des droits et devoir d’informer (voir cet article ci-dessus et le dernier communiqué en date des forces armées de Guyane, remontant à vendredi en fin de journée, cité dans l’article de ce samedi : https://www.guyaweb.com/actualites/militaires-morts-les-autopsies-ont-ete-effectues-selon-le-parquet/). Mais tous les journalistes n’abandonneront pas leur rôle premier : celui de contre-pouvoir… Des confrères ont quand même réagi publiquement cette semaine au sein de Guyane la 1ère.

  • GZ

    Oh, si ce n’était qu’une tentative juste palpable DD :-) L’abus et l’arbitraire sont dans les gènes de la Vème qui a tourné en comédie la séparation des pouvoirs. Son raidissement est logique devant l’expression de ses gènes sous forme de difficultés économiques puis sociales, car le pouvoir ne saura se remettre en cause lui-même, sa réaction première et la plus visible est donc la cachotterie de ses actions.
    La Guyane est la caricature la plus rigolo des inepties de gouvernance, en avance sur la Métropole et de loin. Son état est quasi admirable, il force l’émerveillement en tout cas.

  • raf973

    Bonjour
    Il y a des personnes certainement bien mieux placés que vous pour savoir s’il faut ou non communiquer de suite sur ce sujet.
    Moi cest votre engouement à vouloir tout savoir de suite qui me surprend et que je trouve meme un peu indescend au regard de la proximité des événements.
    Cdlt

  • FF

    En l’occurrence il s’agit du refus de toute réponse voire de toute question donc de toute question d’intérêt public (sur cette affaire localement). Cet article expose une pratique plus large de la chape de plomb en vigueur sur l’or illégal voire au sujet des sites d’or autorisés et ce depuis de longs mois. C’est même du jamais vu depuis près de 20 ans en Guyane où l’on confond pourtant à intervalles réguliers liberté de la presse et liberté de la préf. C’est ce que relate l’article (liens à l’appui). Information et communication sont deux domaines (très) différents. Un journaliste ne doit pas subir.

  • GZ

    La chape de plomb qui t’agace date des décennies, coulée d’abord sur le foncier. Cette cachotterie sur l’or date de ce matin par rapport.
    Il est de loi que lorsqu’on cache, c’est qu’il y a à cacher… dès que pognon et d’autres avantages claniques ou racialistes..
    Je me sans trèz indescend, compère RAF. Pour l’être encore plus, divinez qui se dégage du cyanure de Na (tiens) lorsque l’on arrose avec de l’acide …? Nnna ?
    Pitet qu’un klando s’en est procuré une centaines de gr… on comprendrait alors la chape de plomb…
    Et dire qu’il y a des recettes plus simples…

  • FF

    Tiens ça recommunique et ça redécouvre le fil à couper le beure à chaque nouvelle arrivée de nouveau haut fonctionnaire préfectoral :

    https://www.franceguyane.fr/actualite/faitsdivers/il-faut-bloquer-ce-qui-est-indispensable-aux-sites-d-orpaillage-illegal-450853.php.

    Nous sommes éperdument, en Guyane, dans ce que décrit Edwy Plenel das Le Droit de Savoir : « Pour un journaliste d’enquête (…) l’exercice du droit de savoir relève, au jour le jour, d’une guérilla plutôt que d’une évidence. Ici l’exception est la norme. Proclamés, les principes n’en sont pas moins bafoués. Refus, silence, dérobade, mutisme, échappatoire, faux-fuyant etc ; l’attitude dominante, admise et tolérée est à l’opposée d’une culture apaisée du droit de savoir (…) Et ceci alors même que, dans nos sociétés médiatisées, d’instantanéité et d’immédiateté, les mêmes qui refusent de répondre ne cessent de déployer des stratégies de communication afin d’imposer leur récit contre les faits, leur commentaire au détriment de l’information ».

  • FF

    Il y a au moins une partie intéressante dans cette interview de France-Guyane de ce jour. Lorsque le nouveau directeur de cabinet du préfet raconte son vécu : pourquoi il a choisi de passer de l’armée à la préfectorale.

  • GZ

    ?

  • FF

    Il faut acheter France-Guyane du jour : ce que j’ai fait.

  • GZ

    T’es jaloux ! Tu ne partages pas !
    Ca ne m’affecte pas à tel point de dépense, me rappelle juste l’émoi de certains magistrats devant la militarisation forcée du corps préfectoral et de ses corollaires – à l’époque de Sarko déjà.
    Sans rapport direct mais en parallèle avec le raidissement évoqué.

  • FF

    Hier, à la suite d’une simple question de ma part sur le sujet, les Forces armées de Guyane m’ont indiqué que toute question sur le sujet est à poser au porte parole des forces armées à Paris…

  • GZ

    Ma foi, chacun son tic, y compris la Grande Muette. Contente-toi des bribes de chimie ci-haut…
    Pour autant, le silence sur la qté de l’or est bien plus embêtant au moment où l’ « on » veut relancer un orp « légal » sous prétexte d’apport de taxes entre autres – faisant que la plèbe ne puisse connaître la qté taxogénératrice censée de lui apporter monts et merveilles…
    (On aura presqu’oublié que l’or du sous-sol est un bien « public ». Mais comme celui-ci a une tendance anthropologique de devenir privé…)
    Splendide gouvernance, reconnaissons-le.

  • GZ

    à

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