Six organisations syndicales de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur – Snes-FSU, Snetaa-FO, Steg-UTG, Sud-Education, Lutte de classes Guyane et le syndicat étudiant Unef – ont déposé un préavis de grève illimité à compter du lundi 17 mars. Cette intersyndicale porte de nombreuses revendications devant permettre une remise à plat du système éducatif en Guyane.
Leurs revendications sont aussi nombreuses que les difficultés de l’Education nationale en Guyane. Depuis deux mois, une intersyndicale dont font partie Snes-FSU, Snetaa-FO, Steg-UTG, Sud-Education, Lutte de classes Guyane et le syndicat étudiant Unef construit une mobilisation d’ampleur pour ce lundi 17 mars, afin de rompre avec les politiques publiques appliquées jusqu’à présent.
Estimant que l’éducation en Guyane cumule des retards conduisant à « l’échec de générations d’élèves« , avec un « taux de réussite au bac de 45% contre 75% en France hexagonale, des écoles primaires à 600 enfants, des collèges à 1000-1200 élèves, un nombre de professeurs et d’agents administratifs largement insuffisant« , cette intersyndicale exige un plan de rattrapage d’urgence pour l’académie.
De la maternelle à l’université, les organisations syndicales ont bâti un cahier de revendications très complet à partir des remontées de chaque établissement de l’académie et sur la base des chiffres de la préparation de la rentrée 2025. En découlent de nombreuses doléances portant sur de nouvelles constructions scolaires, le recrutement massif de professeurs et de personnels non-enseignants, la régularisation des élèves et étudiants en situation irrégulière, le développement de l’offre de formations à l’université ou encore la mise en service de cantines dans chaque école, collège et lycée.
« Taux d’encadrement des élèves, postes manquants, constructions scolaires, nombre d’élèves par établissement… Sur tous ces sujets, la Guyane accumule un retard très important, souligne Denys Oltra de la FSU. On finit par penser que c’est la norme, or ce n’est pas normal. Il y a besoin de tout mettre à plat pour avoir des conditions dignes d’enseignement.«
S’inspirant de la mobilisation des enseignants de Seine-Saint-Denis l’année dernière, qui ont porté durant plus de deux mois un véritable mouvement populaire avec les parents d’élèves afin d’obtenir un plan de rattrapage de 358 millions d’euros devant redresser l’état de l’Ecole dans le département le plus pauvre de France hexagonale, l’intersyndicale guyanaise espère obtenir le maximum pour l’académie, l’une des plus sinistrées du pays.
Des revendications jugées « trop vastes » par le syndicat Unsa, qui s’est désolidarisé du mouvement. Dans un communiqué du 10 mars plutôt acerbe, le syndicat majoritaire en Guyane dans l’Education nationale appelle à privilégier la « co-construction » plutôt que « l’opposition« . « On ne demande pas le maximum, mais le nécessaire pour que les élèves travaillent dans de bonnes conditions« , tient cependant à rappeler Marion Décavé, membre de l’intersyndicale.
Construire 100 écoles, 12 collèges et 8 lycées
Pour refonder le système éducatif, les organisations syndicales espèrent instaurer un rapport de force aussi important que les enjeux qu’elles défendent. Outre le préavis de grève illimité qui démarre le 17 mars, avec plusieurs manifestations organisées ce lundi (voir encadré), d’autres actions pourraient avoir lieu tout au long de la semaine prochaine.
Mais ces mobilisations n’empêchent pas de négocier en amont avec les partenaires. Ainsi, l’intersyndicale rencontre ce jeudi le rectorat pour notamment discuter des postes à créer. Le recrutement de 444 professeurs des écoles supplémentaires pour le premier degré et de 253 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires d’enseignants du second degré est demandé. Selon les organisations syndicales, qui ont basé leurs estimations sur les chiffres de la préparation de la prochaine rentrée, 25 à 28 conseillers principaux d’éducation (CPE) supplémentaires sont nécessaires pour l’académie, ainsi que dix nouvelles assistantes sociales, une centaine d’assistants d’éducation, 44 infirmières scolaires et 46 psychologues. Mais aussi du personnel en plus pour le rectorat : « 100 ETP administratifs » dédiés à la gestion du personnel et des autres services.
En somme, un plan massif de recrutement devant répondre à la croissance démographique de la Guyane, académie qui accueille chaque année plus de 100 000 élèves. En parallèle, les syndicats portent l’ambition d’avoir « des écoles, collèges et lycées à taille humaine« , avec 200 élèves maximum par école, 500 par collège et 750 par lycée. Un préalable à un enseignement de qualité estiment-ils. Pour répondre à cette nécessité d’avoir moins d’élèves par classe, d’importants besoins en nouvelles constructions scolaires ont été chiffrés par l’intersyndicale.
Pour le 1er degré, « il est indispensable d’ouvrir l’équivalent de 444 classes supplémentaires » et de prévoir la construction « d’au moins 100 écoles« . Dans le 2nd degré, 12 nouveaux collèges et 8 lycées, « accompagnés des créations de 144 divisions en collège et de 30 divisions en lycée« , doivent sortir de terre selon les syndicats enseignants.
Acté en 2017 dans le cadre de l’Accord de Guyane, un plan de rattrapage pour l’éducation prévoyait la construction de dix nouveaux établissements du second degré. Poussif dans sa réalisation – 4 établissements sur les 10 prévus par le plan de rattrapage vont ouvrir seulement à la rentrée 2025, soit huit ans après la signature de l’accord -, les syndicats exigent aujourd’hui son redimensionnement. « Le plan de 2017 était ambitieux au moment où il a été signé, il rompait avec des années d’immobilisme, reconnaît Denys Oltra (FSU). Mais en huit ans, la démographie de la Guyane a augmenté. La rentrée 2025 s’annonce pire que celle de 2017.«
« L’Accord de Guyane arrive à terme. Il faut désormais un nouveau projet pour changer de braquet » estime de son côté Bruno Niederkorn du Steg-UTG. Ce point sera négocié ce vendredi lors d’une rencontre avec la Collectivité territoriale de Guyane, compétente sur les constructions des collèges et lycées. Selon nos informations, la collectivité unique prépare un nouveau plan de construction de 12 établissements pour le second degré, étalonné sur huit ans, pour se conformer à l’engagement de campagne de Gabriel Serville de ne plus avoir d’enfants non-scolarisés d’ici à 2028. Les syndicats en réclament 20.
Pour le premier degré, une rencontre avec l’association des maires de Guyane est envisagée afin de porter le combat des constructions d’écoles, une compétence des mairies. L’intersyndicale aura aussi une entrevue ce jeudi soir avec Jean-Victor Castor afin d’obtenir le soutien du député guyanais et de porter les revendications au national. Une demande de rencontre avec le préfet a également été adressée au représentant de l’Etat.
Un point noir à l’horizon : les syndicats enseignants vont devoir négocier avec un recteur sortant. Arrivé en 2022, Philippe Dulbecco est en effet sur le départ. Un décret publié ce mercredi à l’issue du conseil des ministres l’envoie, avec effet immédiat, dans l’académie de Grenoble. Le recteur de Guyane doit prendre son nouveau poste à compter du 26 mars. Il sera remplacé par l’ancien président de l’Université de Reims, Guillaume Gellé, qui occupera en Guyane son premier poste de recteur.
Photo de Une : le mouvement de grève demandant un plan de rattrapage d’urgence pour la Guyane est uniquement local et ne s’inscrit pas dans un mouvement national © Archives Guyaweb
Trois manifestations prévues lundi 17 mars
Trois cortèges sont organisés lundi prochain à Cayenne, Kourou et Saint-Laurent du Maroni. Dans la ville-capitale, le départ est prévu à 9h depuis le stade Georges-Chaumet de Baduel et le cortège se dirigera vers le rectorat. Dans la ville spatiale, départ à 10h du collège Henri-Agarande et fin de la manifestation devant la mairie de Kourou. Dans la capitale de l’Ouest, le départ sera donné à 9h devant la sous-préfecture de l’Ouest de la Guyane. D’autres actions sont à prévoir tout au long de la semaine.
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