Mercredi 24 Avril

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Guyana : appel à clarifier le statut des 26 Haïtiens en détention

Guyaweb publie une tribune en réaction à la détention de 26 personnes haïtiennes au Guyana, signée par des membres de la société civile de ce pays et de la Caraïbe (universitaires, enseignants, étudiants, militants d’organisations de défense des droits humains, citoyens et citoyennes…). Guyaweb consacrait récemment un article à cette affaire (voir Guyaweb du 13/11/2020). Cette tribune traduite en français a été initialement publiée par le média guyanien Stabroek News le 2 décembre 2020.

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Le gouvernement du Guyana doit rapidement clarifier le statut des 26 Haïtiens

Nous, signataires de cette note, interpellons le Gouvernement du Guyana à clarifier de toute urgence le statut des 26 femmes, enfants et hommes haïtiens qui seraient entrés légalement au Guyana depuis la Barbade au début du mois de novembre 2020 et se sont vu accorder jusqu’à six mois de séjour dans le pays. Selon les médias, ils ont été placés en garde à vue le jour suivant, et se trouvent actuellement, soit « en détention préventive », soit « en prison » alors que « le gouvernement affirme qu’ils pourraient être victimes de traite de personne » et qu’ils pourraient être déportés vers Haïti.

La loi du Guyana sur la traite des personnes et le Protocole de Palerme auquel adhère le Guyana indiquent très clairement que la traite des personnes est une infraction contre la victime / le survivant de la traite ; en d’autres termes, les Haïtiens ne devraient jamais être détenus ou inculpés d’avoir été victimes ou survivants de la traite, car cela constituerait un cas de re-victimisation et une violation grave du droit guyanien et international. Nous notons que les Haïtiens actuellement détenus auraient insisté sur le fait qu’ils n’étaient pas victimes de traite et qu’ils n’avaient enfreint aucune loi.

Nous notons aussi qu’en janvier 2019, un décret guyanien a modifié la loi sur l’immigration pour inclure Haïti dans la liste des pays bénéficiant d’un séjour de 6 mois sans visa au Guyana.

Nous demandons au Gouvernement guyanien de clarifier si, comme le rapportent les médias, les Haïtiens actuellement en « détention préventive » sont entrés légalement dans le pays en vertu des dispositions relatives à la liberté de mouvement du Traité de Chaguaramas de la CARICOM.  S’ils l’ont fait et ont le cachet de six mois dans leur passeport, alors en les détenant et en les expulsant du Guyana, le gouvernement viole ses obligations conventionnelles en vertu du Traité révisé de Chaguaramas, comme le stipule l’arrêt de 2013 de la Cour de justice des Caraïbes dans l’affaire de la ressortissante jamaïcaine Shanique Myrie contre le gouvernement de la Barbade. Dans cette décision historique, la Cour de Justice Caribéenne « CCJ » a statué que les ressortissants de la CARICOM ont le droit d’entrer dans n’importe quel État membre et d’y rester jusqu’à six mois, « sous réserve du droit des États membres de refuser l’entrée de personnes indésirables et d’empêcher les personnes de devenir une charge pour les fonds publics. »  Une faute ultérieure – telle que la violation des conditions du permis d’entrée ou le travail sans permis – peut rendre une personne qui entre légalement passible d’expulsion.  Cependant, toute prétendue raison de révocation du droit d’entrée doit être prévue par la loi et la procédure à suivre doit respecter les exigences standard d’une procédure régulière, y compris l’accès aux tribunaux.

La décision de la CCJ « exige également que les États membres informent rapidement et par écrit un ressortissant dont l’entrée a été refusée non seulement des raisons du refus, mais aussi de son droit de contester cette décision. » Cela comprend la reconnaissance du droit légal des ressortissants de la communauté à « consulter un avocat ou un fonctionnaire consulaire de leur pays, si disponible, ou en tout état de cause à contacter un membre de la famille ».

Si les enfants, femmes et hommes haïtiens actuellement détenus ont un tampon de six mois dans leur passeport, comme l’a rapporté la presse, cela signifie que le département de l’Immigration a eu l’occasion d’invoquer les circonstances évoquées dans l’affaire Myrie pour refuser l’entrée mais n’a vu  aucune raison de prendre de telles mesures.  Et d’après les rapports, ils sont détenus depuis environ trois semaines jusqu’à présent. Ont-ils été inculpés ? N’est-ce pas une violation de leur droit selon notre Constitution, dans la mesure où quelqu’un – dans ce cas, 26 enfants, femmes et hommes haïtiens – ne peut être détenu plus de 72 heures à moins d’être traduit devant un tribunal pour être inculpé ?

Nous tenons à exprimer notre préoccupation particulièrement pour les enfants haïtiens qui ont été séparés de leurs parents et compatriotes adultes. Ces enfants sont sans aucun doute traumatisés par cette action, car ils sont incapables de communiquer efficacement leurs besoins et leurs sentiments en anglais.  La réunion de ces enfants avec leurs parents ou tuteurs doit être la priorité absolue.

Cette situation pénible qui a été rapportée dans les médias obligent le Gouvernement guyanien à apporter des éclaircissements en toute urgence.

Certains d’entre nous qui sont Guyaniens se souviennent très bien de la discrimination et du harcèlement que, jusqu’à tout récemment, nombre de nos compatriotes guyaniens ont enduré dans les aéroports de la région. Nous devons être sensibles aux stéréotypes négatifs selon lesquels les Guyaniens sont des tricheurs, des criminels et des fardeaux indésirables pour d’autres pays.  En tant que tels, nous devons être doublement sensibles pour ne pas imposer de stéréotypes similaires à nos soeurs et nos frères d’origine haïtienne, aux ancêtres desquels nous devons une énorme dette d’inspiration révolutionnaire. Notre politique étrangère doit non seulement favoriser les riches et les puissants, mais doit également être humaine et non discriminatoire en ce qui concerne l’ethnicité, la géographie, le statut social et les sexes.  Nous sommes les gardiens les uns des autres et devons traiter les autres comme nous aimerions être traités.

Les signataires : Danuta Radzik, Josephine Whitehead, Raquel Thomas, Michelle Kalamandeen, Akola Thompson, Lisa Edwards, Nicole Cole, Renata Chuck-A-Sang, Janette Bulkan, Joan McDonald, Vanda Radzik, Ayo Dalgety-Dean, Sherlina Nageer, Sumintra Narine, Mark Mc. Gowan, Akeem Henry, Duane Edwards, Medino Abraham, Keith Branch, Rupert Roopnaraine, Elton Mc.Rae, Charlene Wilkinson, Alissa Trotz, Derwayne Wills, Alexis Goffe, Jamaica/USA, Mosa Telford, Dr Pauline Bullen, Andrew Campbell, Kamala Kempadoo, Vidyaratha Kissoon, Karen de Souza, Salima Bacchus-Hinds, Mellissa Ifill, Sunita Samaroo, Ato Rockcliffe, Omattie Madray, Jocelyn Dow, Norwell Hinds, Susan Collymore, Anna Iles, Rev Patricia Sheerattan-Bisnauth, Nan Peacocke, Nesha Haniff, Transparency Institute of Guyana Inc. (TIGI), Shellon Boyce, Halima Khan, Alim Hosein, Red Thread SASOD, Meshach Pierre, Arianne Harris, Joy Marcus, Donald Rodney, Chelsea Fung Kalsatos, Alicia Roopnaraine, Mark Jacobs, Diana Swan-Lawrence, Karen Van Sluytman-Corbin, Cheryl Sampson, Chair For Women & Gender Equality Commission, Doreen Gaura on behalf of Just Detention, International-South Africa, Diana Mahabir Wyatt, Chairperson, Caribbean Centre for Human Rights, Trinidad and Tobago, Maria Carla Gullotta, Executive Director, Stand up for Jamaica, Jamaica

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