Cette semaine, à l’Assemblée nationale, la proposition de loi visant à étendre l’Aide médicale d’Etat (AME) à Mayotte a été rejetée en commission des affaires sociales. Au Sénat, les parlementaires ont interrogé le gouvernement sur l’épidémie de chikungunya qui sévit à la Réunion et sur le phénomène des sargasses aux Antilles, considéré par le sénateur de la Martinique Dominique Théophile comme un « empoisonnement à ciel ouvert ». En Nouvelle-Calédonie, il n’y a pas eu d’accord à l’issue de trois jours de négociations sur l’avenir institutionnel de l’archipel.
Rejet de l’Aide médicale d’Etat à Mayotte
Mercredi, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a rejeté par 23 voix contre 21 la proposition de loi visant à étendre l’AME à Mayotte présentée par la députée mahoraise Estelle Youssouffa (LIOT), à la suite de vifs débats.
Les groupes écologiste, LFI et socialiste ont annoncé qu’ils défendront cette proposition de loi dans l’hémicycle, tandis que l’extrême droite, la majorité présidentielle, la droite et le centre l’ont rejetée massivement. Elle sera discutée en séance publique le 15 mai, lors de la niche parlementaire du groupe LIOT.
Le principal point de tension se situe sur la crainte que l’AME attire davantage d’étrangers en situation irrégulière.
Yoann Gillet, député du Gard (RN), a par exemple annoncé que le groupe Rassemblement national, qui compte 123 députés, votera contre la proposition de loi car « L’AME n’est pas une réponse, l’AME c’est un appel d’air amplifié. Instaurer l’AME à Mayotte, c’est accepter la submersion migratoire […] L’urgence, c’est de stopper l’arrivée des clandestins. »
A l’inverse, Mathilde Hignet, députée d’Ille-et-Vilaine (LFI), a annoncé que son groupe (71 députés) votera pour la proposition de loi, mais a exprimé des « désaccords » avec les motivations de la rapporteure, Estelle Youssouffa, qui pointerait la responsabilité des étrangers dans le manque d’accès aux soins sur le territoire et non celle de l’Etat qui n’investirait pas suffisamment dans le système de santé à Mayotte.
Situation sanitaire à la Réunion : « Nous ne sommes pas des sujets d’expérimentation »
Lors des questions d’actualité au gouvernement, la sénatrice de la Réunion Evelyne Corbière Naminzo (CRCE – Kanaky) a interrogé le ministre de la Santé Yannick Neuder sur l’épidémie de chikungunya qui sévit à la Réunion (33 000 cas confirmés depuis janvier, selon Santé Publique France). Dans un échange électrique, la sénatrice a pointé une gestion du dossier par les autorités sanitaires qui « laisse apparaître des failles à différents niveaux de responsabilité » et elle a évoqué la situation des bébés, à qui le virus a été transmis via leur mère, placés « sous morphine ».
« Les autorités sanitaires d’aujourd’hui portent la lourde responsabilité des séquelles parfois irréversibles qui se révèleront chez nos bébés actuellement victimes du virus. Le vaccin a provoqué des formes graves chez 3 personnes vaccinées, ce qui a conduit la Haute autorité de santé à retirer les plus de 65 ans du programme de vaccination. Comment la dangerosité du vaccin n’a-t-elle pas mieux été évaluée ? Monsieur le ministre, les Réunionnais souffrent, mais nous ne sommes pas des sujets d’expérimentation » a poursuivi la sénatrice.
« Je ne sais pas si j’aurai suffisamment de deux minutes pour répondre à toutes vos attaques et surtout à toute la démagogie que vous mettez dans cette situation » a répondu Yannick Neuder, qui s’est rendu à la Réunion fin avril, avant de lister les moyens mis en place par l’Etat depuis le début de l’épidémie. Le ministre de la Santé a par ailleurs affirmé que « toutes les études de sécurité » avaient été faites pour le vaccin IXCHIQ, utilisé pour lutter contre l’épidémie.
Les sargasses : « Un empoisonnement à ciel ouvert »
Au cours de la même séance de questions, le sénateur de la Martinique Dominique Théophile (RDPI) a interrogé la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher sur le phénomène des sargasses, ces algues brunes qui s’échouent massivement sur les plages de Martinique et de Guadeloupe et qui, lorsqu’elles se décomposent, libèrent de l’ammoniac et du sulfure d’hydrogène. Ces gaz provoquent notamment des irritations des yeux et des voies respiratoires.
Le sénateur a rappellé qu’en 2018 Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique, s’était engagé sur le ramassage des sargasses dans les 48h après échouement ce qui, selon le sénateur, n’est toujours pas le cas 7 ans après. Plusieurs centaines de tonnes de sargasses s’échouent chaque semaine sur les plages et les communes ne sont pas toujours suffisamment équipées pour gérer le ramassage des algues. « Ce n’est plus un nuisance, madame la ministre, c’est un empoisonnement à ciel ouvert » a lancé le sénateur. « Il faut une stratégie nationale […]. Ne répétons pas l’erreur du chlordécone. Ce serait une deuxième faute historique face à une pollution chronique, invisible depuis Paris mais bien réelle et toxique pour les Antilles. Madame la ministre, à quand une réponse à la hauteur des discours ? »
Agnès Pannier-Runacher a rappelé l’existence du Plan Sargasses II pour gérer la détection des algues ainsi que des « expérimentations de relargage des sargasses en mer ». La ministre a aussi annoncé que « la question sera discutée lors du prochain comité interministériel à la mer, pour donner des suites au plan Sargasses II ». Par ailleurs, les députés Mickaël Cosson (Côtes-d’Armor, les Démocrates) et Olivier Serva (Guadeloupe, LIOT) ont achevé une mission d’information flash sur la valorisation des algues, en début de semaine.
Pas d’accord en Nouvelle-Calédonie
Contrairement à ce qui avait été indiqué dans l’agenda de l’Assemblée nationale la semaine dernière, la délégation aux Outre-mer de la Chambre basse, présidée par le député guyanais Davy Rimane (GDR), n’a pas auditionné Manuel Valls au sujet de la Nouvelle-Calédonie cette semaine. Le ministre des Outre-mer était lui-même sur le Caillou pour un « conclave » organisé avec les organisations politiques locales afin de trouver un accord sur l’avenir institutionnel du territoire. Alors que l’archipel est déchiré politiquement entre les indépendantistes, partisans de la souveraineté, et les loyalistes, favorables au rattachement à l’Etat français, aucun accord n’a été trouvé au terme de trois jours de discussions a indiqué Manuel Valls jeudi, ce qui ne permet pas de « régler la question de la composition du corps électoral » à l’origine des manifestations violentes débutées il y a près d’un an, le 13 mai 2024.
Photo de Une : la députée de Mayotte, Estelle Youssouffa, à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 7 mai 2025 (capture d’écran site internet de l’Assemblée nationale)
2 commentaires
Un conclave en Nouvelle Calédonie mais pour la fumée blanche, on risque d’attendre très longtemps !
C’est pourtant une belle fumisterie ce conclave…