Le géant pétrolier et gazier, qui développe aussi ses investissements dans les énergies renouvelables, a annoncé samedi 8 mars abandonner un important projet de champ photovoltaïque à Macouria. Selon TotalEnergies, le projet Maya initié depuis 2019 a perdu le soutien des autorités publiques. Cette annonce intervient alors que la prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie (2023-2028) de la Guyane est en pleine concertation. L’élu de la Collectivité territoriale de Guyane en charge de l’économie, Jean-Luc Le West, a d’ailleurs appelé ce week-end l’entreprise à revenir à la table des négociations.
200 millions d’euros d’investissements, 32 emplois, 20MW de puissance pilotable, de quoi alimenter 40 000 foyers. Initié depuis 2019, le projet Maya de TotalEnergies, qui prévoit l’installation d’immenses champs photovoltaïques sur la commune de Macouria, ne devrait finalement pas voir le jour. L’entreprise a annoncé samedi renoncer à ce projet d’énergie renouvelable, l’un des plus importants qu’elle conduit en France.
« TotalEnergies se voit contraint de prendre la décision d’abandonner le développement du projet de ferme solaire Maya, en Guyane Française, initié en 2019 » a indiqué samedi le groupe par communiqué. Selon l’énergéticien, le projet Maya « garantissait 20 megawatts de puissance disponible en continu d’énergie verte pour la population de Cayenne, qui subit régulièrement l’instabilité du réseau électrique« , rappelle TotalEnergies. Et aurait permis de réaliser « un tiers du chemin à parcourir pour atteindre l’autonomie électrique en Guyane ».
TotalEnergies prévoyait une centrale photovoltaïque de 120 megawatts-crête (dans des conditions d’ensoleillement optimales) et une capacité de stockage de 240 MWh de batteries afin de pouvoir couvrir l’alimentation électrique de Cayenne la nuit, lorsque les panneaux photovoltaïques ne produisent pas. La ferme solaire devait aussi fournir de l’énergie constante à un projet de la CTG de centre de données et de village numérique sur une surface de 10 000 m², chiffré à 480 millions d’euros. L’abandon de Maya pourrait lui porter un coup fatal.
Total justifie ce retrait par « l’absence de besoin de moyens additionnels de production de puissance pilotable autour de Cayenne » inscrit dans la prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). En cours de révision, le document qui définit la politique énergétique du territoire jusqu’en 2028 ne prévoit en effet aucun nouveau projet de production d’énergie pour l’agglomération de Cayenne.
Co-construite par l’Etat et la Collectivité territoriale de Guyane, la PPE 2023-2028 est actuellement en phase de concertation, jusqu’au 10 mai. Ses grandes orientations ont été présentées aux porteurs de projets privés le 10 février dernier. Une réunion à laquelle Guyaweb avait assisté. Il avait notamment été présenté aux énergéticiens la non nécessité d’augmenter la « puissance garantie » près de Cayenne, « compte tenu de la structure du réseau de transport, doublé et bouclé, alimentant l’agglomération ».
Revenir à la table des négociations
Il ressort des documents de la PPE que l’essentiel des investissements va être fléché vers la sécurisation du réseau, fragile en raison d’un faible maillage, plus que sur la production d’énergie. Des investissements « très importants » vont être engagés, selon le gestionnaire de réseau EDF, pour stabiliser la distribution, en doublant notamment l’unique ligne haute tension de 90 volts qui alimente l’Ouest du territoire et Saint-Laurent-du-Maroni, régulièrement sujets aux coupures de courant. La mise en service de cette nouvelle ligne est prévue pour 2033. Deux postes sources seront également construits dans l’Ouest « afin de sécuriser l’alimentation de 30MW à l’horizon 2033″ dans cette partie de la Guyane, d’après le projet révisé de PPE que nous avons consulté.
Les autorités s’engagent ainsi dans un rattrapage infrastructurel dans l’Ouest guyanais. Voilà en partie pourquoi aucun projet de production de puissance pilotable autour de Cayenne n’est inscrit dans la PPE 2023-2028. D’autant que la mise en service en 2026 de la centrale EDF du Larivot devrait sécuriser encore un peu plus l’approvisionnement en énergie. Ce projet à 600 millions d’euros, un temps contesté en justice, fournira 120MW supplémentaires devant notamment pallier la fermeture de la centrale thermique, vieille et polluante, de Dégrad-des-Cannes. Or, pour les énergéticiens qui se sont exprimés par la voix de leur syndicat le 10 février lors de la réunion de concertation avec la CTG et l’Etat, la centrale du Larivot vient concurrencer les projets ENR privés du territoire.
Lors de cette présentation du projet révisé de PPE, EDF a tenté de les rassurer en affirmant que la centrale fonctionnant au biocarburant a été construite uniquement pour « sécuriser l’approvisionnement en énergie » et non pour « servir de base de production d’électricité pour la Guyane ». Ce qui n’a pas empêché les critiques des énergéticiens, dénonçant un manque de concertation et le « choix délibéré des acteurs du Cotech [Comité technique] d’arriver à un stade très avancé du document à amender à la marge » avait notamment déclaré Arnaud Flament, directeur de Voltalia Guyane et président du syndicat des énergéticiens de Guyane.
Tour à tour, plusieurs porteurs de projet privé, dont le directeur de TotalEnergies Guyane Olivier Wattez, ont fait part de leurs inquiétudes vis-à-vis des orientations des autorités publiques. Le texte de la PPE n’est pourtant pas encore gravé dans le marbre, le document étant entré en phase de concertation avec les socio-professionels et pouvant être amendé jusqu’au 10 mai. Suivront des phases d’étude d’impact environnemental et d’enquête publique avant une validation par les élus de la CTG et par décret ministériel, pas avant début 2026.
Dans ce contexte, la décision de TotalEnergies apparaît donc comme prématurée. D’autant que les ambitions concernant le solaire comme moyen d’atteindre l’objectif de l’autonomie énergétique fixé par la prochaine PPE ne sont pas réduites. La révision de la PPE plébiscite même cette source de production d’électricité qui fournit déjà 114 MW, soit environ un tiers de l’énergie produite en Guyane. Déjà consacré dans la dernière programmation énergétique 2016-2023, le photovoltaïque est le procédé dont les objectifs de puissance fournie fixés pour 2028 et 2033 sont les plus importants. La prochaine PPE prévoit ainsi l’installation de 36MW supplémentaires afin d’atteindre 150MW en 2028, puis 175MW en 2033. Les autres sources – biomasse (+10MW en 2033), éolien (+20MW), valorisation des déchets (+16MW) – seront en comparaison développées plus à la marge.
Véritable retrait ou coup de pression de l’entreprise sur les autorités locales pour obtenir un changement dans le texte de la PPE d’ici à la fin de la concertation ? Seules les prochaines semaines pourront nous l’indiquer. Parmi les nombreuses réactions d’élus de Guyane ce week-end, celle de Jean-Luc Le West, vice-président de la Collectivité territoriale de Guyane délégué à l’économie, qui a invité TotalEnergies à revenir à la table des négociations alors que « la Programmation pluriannuelle de l’énergie n’a toujours pas été votée par l’Assemblée de Guyane ».
En revanche, si l’abandon se confirme, il constituera un nouvel échec pour Total après celui concernant sa campagne d’exploration pétrolière en 2019/permis Guyane maritime.
Photo de Une : le géant TotalEnergies a annoncé samedi renoncer à l’un de ses plus importants projets de ferme solaire, programmé en Guyane © Creative commons
5 commentaires
Ah oui, projet TOTAL, c’est 200 millions d’euros pour 20 MW ; la centrale EDF du Larivot, c’est 600 millions d’euros pour 120MW.
Cherchez l’erreur énergétique.
Plus d’infos : https://www.guyane.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Environnement-Energie-et-Amenagement/Energie-et-Developpement-Durable/Programmation-pluriannuelle-de-l-energie-en-Guyane
Sauf que le Larivot c’est aussi du biocarburant qu’il faudra importer en continu: faudra voir le coût dans le temps quoi
C’était un mauvais projet, mais il a été abandonné pour de mauvaises raisons.
On a besoin d’énergies renouvelables et le « biocarburant » du Larivot, qui n’a de bio que le nom, nous maintien dans la dépendance aux importations et nous éloigne de l’autonomie énergétique.
Ce projet était mauvais car mal placé : en zone naturelle de conservation durable du SAR, le seul massif forestier entre le littoral et l’intérieur, en pleine trame verte.
Pourquoi ne voit-on pas plus de panneaux photovoltaïques là où ça ne détruit pas les surfaces agricoles ou naturelles, comme par exemple sur les toutes les nouvelles constructions et parkings qui poussent partout ?
Ou une combinaison hydrolienne + Photovoltaïque pour de petite communauté…