Vendredi 19 Avril

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La Chambre régionale des comptes dresse un état des lieux saisissant des manquements de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) sous tutelle du conseil général puis de la CTG

La Chambre régionale des comptes dresse un état des lieux saisissant des manquements de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) sous tutelle du conseil général puis de la CTG
Indemnités indues, fonds pour des gens vulnérables détourné...

Le dernier volet de notre premier épisode sur ce rapport accablant de la Chambre régionale des comptes relatif à la MDPH de Guyane est peut-être celui qui, moralement au moins, s’avère l’un des plus choquants, de l’avis même d’un magistrat financier.

Pour ne pas dire le plus inqualifiable.

La structure tourne pour elle-même, c’est un problème assez récurrent en Guyane (Un magistrat de la Chambre régionale des comptes)

La Chambre régionale des comptes a en effet constaté qu’un fonds destiné à financer des équipements pour les personnes handicapées de Guyane est… détourné de son objet afin de servir au… fonctionnement de la structure (!)

«Autrement dit, la structure tourne pour elle-même, c’est un problème assez récurrent en Guyane. C’est assez gros et particulièrement choquant car ces irrégularités et en particulier ce fonds départemental de compensation du handicap (FDCH), c’est un fond qui devrait bénéficier à des personnes handicapées qui devraient être la priorité », se désole un magistrat financier contacté par nos soins.

Explications : « L’article 64 (…) de la loi du 11 février 2005″, visant à améliorer la vie des personnes handicapées en France « a institué un fonds départemental de compensation du handicap (FDCH) afin d’aider les personnes handicapées à financer des équipements spécifiques pour leur domicile ou leur véhicule. « , rappelle la CRC dans son rapport.

«Il s’agit, par exemple, de l’achat de fauteuils roulants ou d’équipements de sécurité pour les salles de bains. Les ressources de ce fonds proviennent de la caisse générale de sécurité sociale (CGSS), du conseil général et de l’État. », poursuit l’organisme de contrôle.

« Cependant, en Guyane comme au niveau national, ce fonds est peu utilisé, soit, par méconnaissance, soit, du fait de la lourdeur des procédures car il s’agit en réalité d’un remboursement sur factures acquittées, la personne handicapée devant ainsi faire l’avance de ses dépenses. « 

Ce fonds était initialement géré par la CGSS mais, par convention, la gestion de ce fonds a été confiée à la MDPH à compter de l’année 2012, rappelle encore la Chambre.

Un virement à hauteur de 470 716,79 € a été effectué en date du 22 décembre 2011 par la CGSS au profit de la MDPH de Guyane, afin de transférer le solde non utilisé de ce fonds, note ensuite la CRC.

Le suivi de la gestion de ce fonds est assuré, selon cette convention, par un comité de gestion, toujours selon la Chambre

« Cette même convention prévoit l’organisation et le rôle de ce comité qui doit se réunir une fois par mois. Cette disposition n’a pas été appliquée et ce comité, mis en place la première fois le 9 mai 2012, s’est réuni de façon irrégulière au cours de la période contrôlée « , par la Chambre régionale des comptes.

Les comptes de gestion de la MDPH Guyane de 2011 à 2016 font « apparaître que les crédits de ce fonds sont peu utilisés, que ce soit en termes de programmation des aides accordées ou en termes de paiements effectivement réalisés. »

« Chaque année les crédits non engagés devraient figurer en reliquat dans le compte administratif de l’année ‘n’ et être reportés intégralement au budget primitif de l’année ‘n+1’, pour se cumuler avec les nouvelles recettes affectées et constituer le total des crédits réservés aux personnes handicapées. Ce n’est pas la pratique de la MDPH. », fustige la Chambre.

L’organisme de contrôle financier conclut même dans son titre suivant au «détournement du principal des crédits du fonds « .

« Aucune disposition n’a été prise par la MDPH pour différencier l’utilisation des crédits de ce fonds avec les crédits de fonctionnement de la structure. En effet, bien que les crédits du FDCH soient inscrits au compte administratif en recettes sur le compte 74782 : ‘ Participations État, département et organismes d’assurance maladie’ et en dépenses sur le compte 651123 : ‘ Aide au titre du FDPH ‘, aucun état relatif à la situation du fonds n’est présenté en annexe des comptes administratifs. », notent les juges financiers.

Dès 2011, les crédits de ce fonds n’ont pas été réservés aux usagers mais (…) ont été utilisés pour payer les charges de fonctionnement général de la structure

«De plus, bien qu’il s’agisse d’une ressource affectée, la MDPH a considéré qu’elle venait abonder ses recettes de fonctionnement, comme l’écrit la directrice de la MDPH dans un rapport adressé au président du conseil général le 9 février 2015 : ‘ […] depuis 2013, il manque invariablement chaque année 300 000 € pour combler la trésorerie qui demeurait jusqu’à présent positive du fait de différentes donations (notamment en 2012 avec le fonds de compensation du handicap) […] ‘ et comme en attestent les comptes rendus d’activité établis par la MDPH. « 

«Dès 2011, les crédits de ce fonds n’ont pas été réservés aux usagers mais, au contraire, ont été utilisés pour payer les charges de fonctionnement général de la structure. », soulignent les magistrats financiers.

En 2012 (…) le Fonds départemental de compensation du handicap (FDCH) a financé le nouveau régime indemnitaire mis en place en faveur du personnel de la MDPH à hauteur de 218 437 €.

«On a pu voir des choses similaires aux Antilles en matière d’assainissement, sur le sujet de l’eau, par rapport à un fonds d’investissement, mais là c’est assez gros, c’est assez concentré « , confie encore un magistrat financier.

En effet, le rapport de la CRC pointe une année 2012 moralement tout aussi peu glorieuse sur le sujet.

« En 2012, alors qu’aucune dépense n’a été effectuée en faveur des personnes handicapées, le FDCH a financé le nouveau régime indemnitaire mis en place en faveur du personnel de la MDPH à hauteur de 218 437 €. « , poursuit l’organisme de contrôle.

« Dans sa réponse, l’ancienne directrice de la MDPH (Odile Furcy, ndlr) rappelle la lettre de la Secrétaire d’État chargée de la Solidarité de 2009, qui autorisait les départements à prélever sur le budget départemental une partie des crédits d’intervention PCH au bénéfice du fonctionnement de la MDPH. »

«Or, les crédits du FDCH ont une affectation déterminée par la loi du 11 février 2005, (article L. 146-5 du code de l’action sociale et des familles) ‘ Chaque maison départementale des personnes handicapées gère un fonds départemental de compensation du handicap chargé d’accorder des aides financières destinées à permettre aux personnes handicapées de faire face aux frais de compensation restant à leur charge, après déduction de la prestation de compensation mentionnée à l’article L. 245-1’ » contredisent les magistrats financiers.

«La MDPH ne saurait se contenter d’utiliser désormais les crédits de ce fonds au bénéfice des usagers en se dispensant de restituer les sommes utilisées à d’autres fins illégales. » concluent les juges de la Chambre qui enjoignent donc à cette structure, parmi leurs recommandations, de «cesser d’utiliser les crédits du FDCH pour le fonctionnement de la MDPH et restituer à ce fonds les crédits irrégulièrement consommés. »

Fin 2017, à réception de cet accablant rapport d’observations définitives, la CTG en avait conclu (sans dévoiler ledit rapport) qu’elle allait demander un…. audit de la MDPH

Une annonce qui avait fait bondir au sein de la CRC lorsque nous avions demandé une réaction sur cette orientation de la CTG : « Un audit ? Pourquoi un audit ? Tous les constats sont faits dans ce rapport, les problèmes sont identifiés. Des recommandations en nombre important sont établies (Elles sont au nombre de 26, ndlr). Un audit n’apporterait rien de plus si ce n’est de déplacer des gens de métropole et de coûter encore davantage en argent public. Il y a des recommandations précises. Il faut s’y atteler et les mettre en œuvre. ».

Interrogé sur cet océan de dysfonctionnements et d’irrégularités, le directeur général des services à la CTG, Hervé Tonnaire, nous a apporté, fin septembre, cette réponse de la collectivité : « le Président de la CTG comme la Présidente du GIP ont pris connaissance des conclusions de la Chambre. Un travail de confiance est conduit avec l’Etat local et aussi la CNSA pour améliorer les procédures, moderniser la structure, travailler en commun sur un redressement , corriger les points qui doivent l’être. Une demande d’appui méthodologique a été fait notamment à la CNSA pour conduire ce chantier. L’enjeu premier sur un territoire si fragile est bien le service à l’usager et ici à des usagers qui ont des besoins renforcés ».

En août, peu après la publication du rapport, nous avions demandé à un magistrat de la CRC : «Entre fin 2017 date du délibéré de votre rapport définitif et aujourd’hui, avez-vous eu des preuves d’amélioration de la structure, du remboursement de sommes indûment perçues voire de restitution au fonds pour personnes handicapées, des crédits détournés de leur objet ? ».

« Pas pour l’instant », avait répondu notre interlocuteur.

FF 

 

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10 commentaires

  • toucan

    Rappelez vous la mission locale:mêmes causes…mêmes effets…la soupe est tellement bonne sur le dos des malheureux et des impôts versés censés sous le contrôle de l état et des élus leur profiter

  • bilo

    Sans les écarts de certains agents de l’état ou des collectivités, à quelques niveaux que ce soit, l’oligarchie ne pourrait pas se gaver tranquillement. Sur le mode « je te laisse croquer et tu me laisses manger » et tout le monde est content. Si toutefois un journaliste y mets son nez, l’usager, citoyen lambada choqué passera rapidement au scandale, ou à la catastrophe suivante dépité et surgavé d’informations toutes plus déprimantes les unes que les autres.
    Quand au handicapé leur voix comptent elles réellement? N’avons nous pas commencer à grignoter les valeurs humanistes qui ont fait des pays développer l’une des civilisations les plus égalitaire de tout les temps (sans mettre de côté les horreurs commises). Confère le traitement réservé aux migrants.
    C’est donc un problème bien plus vaste que les agissements de ces minables de la MDPH.
    Du directeur jusqu’à l’agent qui accepte de bénéficier des largesses de la structure en profitant de temps libres indus.

  • le Jaguar

    Effectivement beaucoup de similitudes avec la mission locale, dont on ne sait d’ailleurs plus trop ce qu’il est advenu de l’enquête pénale la concernant….

  • GZ

    Il faudrait déjà savoir sur quels indicateurs se base la CRC, notamment quand elle compare les délais de prise en charge des enfants.
    Le pilotage de la structure décrit comme nul rejoigne les standards habituels. Rien à relever en ce sens, une commission (COMEX) composée de la CTG et des fonctionnaires de passage ne peut fournir plus que sa composition prédétermine.
    Quelles que ce soient les impressions de la CRC, j’invite le lecteur à faire l’expérience d’autres MDPH métropolitaines pour une comparaison sur le terrain du réel, comme cette personne :

    MDPH Cayenne :
    Réponse en max deux semaines, accueil sympathique, infos à profusion. Accès à la ligne directe de la directrice au besoin.
    Surtout, cette structure suit à la lettre les avis médicaux, ce qui semble être la moindre des choses.
    (Quel genre de formation auraient besoin les agents d’une MDPH, à part d’être alphabètes, humains et serviables ? Formation pour juger les ordonnances de médecins?)

    MDPH en Métropole (pour le renouvellement du dossier d’handicapé) :
    Première réponse après huit mois et trois relances : « Procurez-nous de votre dossier complet auprès de la MDPH Cayenne et l’amenez à nous !»
    (Comment, vous n’avez ni téléphone, ni internet, ni la volonté de faire votre job?)

    MDPH Cayenne envoi le dossier sous dix (!!) jours…

    MDPH en Métropole : « Retournez voir un spécialiste ici, en Métropole ! »
    (Sympa pour les médecins exerçant en Guyane, et puis l’avis original traité par la MDPH Cayenne fut déjà établi par un spécialiste en Métropole…

    Le « spécialiste en Métropole » donne le même avis que l’autre « spécialiste en Métropole » six ans plus tôt : handicap à vie, maladie incurable et évolutive.

    Réponse de la MDPH métropolitaine trois mois plus tard : prolongation du statut d’handicapé refusée.
    Contrairement à l’avis médical constant. Pourtant, « La mission des MDPH consiste à recevoir, à accompagner, à informer et à conseiller …, dès l’annonce du handicap et TOUT AU LONG de la vie lorsque le handicap n’est pas réparable. « – croit très naïvement la CRC.

    Pitet que les agents métropolitains sont mieux formés à la confiscation des droits des sans-dent même handicapés, première et ultime réalité des économies budgétaires … ?

    Le pilotage administratif de la MDPH Cayenne est certainement nul à …. , mais prenez soins de ne pas égratigner ses agents. Ou allez baver en Métropole.

  • marcovalou

    Rien d’étonnant si on considère le contexte. On pourrait entreprendre l’examen de toutes les structures publiques ou d’intérêt publique et les conclusions seraient les mêmes. Assiduité et compétences avez-vous dit?

  • le Jaguar

    Prendre un seul exemple pour en tirer des conclusions au sujet de l’ensemble des agents des 95 MDPH de métropole est tout de même un peu simpliste. En revanche on ne peut que se réjouir pour les handicapés locaux si le fait d’avoir trois fois moins de dossiers à traiter pour les agents de la MDPH de Guyane leur permet d’être plus attentifs, plus à l’écoute et d’avoir plus de temps à consacrer à chacun.
    De plus le rapport de la CRC accable le pilotage de la MDPH essentiellement sur la période ou la présidence en incombait au Conseil Général.

  • GZ

    Matou

    Aucune conclusion sur l’ensemble des 95 MDPH de métropolitaines, Un exemple authentique de chez l’une d’elles. « réponse DE LA MDPH métro.. »
    Perso, suis dubitatif devant la théorie du surcharge de travail qui expliquerait manque d’attention, d’écoute et de temps dans un pays où le quart-tiers des emplois est public… A l’exception ponctuelle là où c’est l’imminent qui dicte.

    Mathématiquement parlant :
    Réaction sous 24 heures après réception du courrier (MDPH Cayenne ,dont la réponse arriva quasi aller-reour) versus première réaction après huit mois et trois relances ((UNE MDPH métro), pour vous inviter à bosser à sa place.
    Je n’y vois pas le rapport de un à trois de la quantité des dossiers…

  • le Jaguar

    Concernant la sous-charge de travail de la MDPH de Guyane, ma remarque était ironique ! Ceci dit, à la lecture des faits dénoncés par la CRC , il semble fort probable qu’une procédure judiciaire ait été ouverte pour détournement de fonds publics.

  • Deux dossiers MDPH déposés début septembre, une réponse pour un dossier: un accusé de réception qui précise que si on ne reçoit aucun retour d’ici quatre mois c’est que le dossier aura été refusé… On a l’impression qu’ils sont débordés avec de telles réponses …

  • GZ

    Matou

    de mon côté, j’ironise sur la surcharge de travail de beaucoup trop de structures censées d’être « au service… »
    A l’heure où nous parlons, tu peux prendre presque n’importe quelle structure publique et lancer une procédure judiciaire pour détournement de fonds publics / corruption / prise illégale d’intérêt etc Au choix. C’est intrinsèque à cette culture administrative.
    Si tu ne sais pas pourquoi tu le fais, tu le découvriras une fois lancé… Si tu ne le découvres pas, c’est que tu l’a mal cherché.

    A propos Fred, où en est la recherche des 470 000 Euros volés à la chambre d’agriculture ? Qu’a fait la Cour des comptes avec cette histoire ?

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